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26 août 2012

L'ENFANT HARCELÉ ou WHAT'S BULLYING?



Beaucoup d’enfants sont malheureux à l’école, souffrent de brimades, de  harcèlement, de moqueries et de coups. Ces phénomènes sont mal connus et insuffisamment pris en compte. Mais peut-être faudrait-il au préalable savoir les nommer? 


Il y a à l’école des enfants qui sont l’objet de moqueries de la part de leurs camarades; d’autres qui sont mis à l’écart des jeux ou sur lesquels on fait courir des rumeurs. Certains sont menacés, frappés, humiliés. En anglais, on parle de «bullying» pour ces brimades, le persécuteur étant le «bully» et la victime le «bullied».


Ces phénomènes sont très peu décrits dans la littérature médicopsychologique en France. On en sous-estime la fréquence et l’importance. Et on dispose de très peu de vocabulaire pour en parler.


Deux éditoriaux disent l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur cette question: 
The need to adress bullying : an important component of violence prevention (JAMA, april 25, 2001, vol. 285 N° 16, pages 21-31-32) 
-  Bullying why all the fuss ? (Pediatrics 6-12 2003, pages 1421-22).
Ils disent que le phénomène est fréquent et qu’il a des conséquences très importantes. Ils disent aussi que le phénomène est très sous-estimé. Les brimades ne sont pas perçues comme un poison rendant la vie de certains enfants extrêmement pénible, elles sont considérées comme un rite de passage…

Avant de parler des brimades et menaces intimidations qui sont rencontrées dans le "bullying", je voudrais signaler deux définitions d’un phénomène voisin : le bizutage. Bizutage : cérémonie estudiantine d’initiation des bizuts, comportant des brimades amusantes (le Petit Robert, Edition 1983); Bizuter, argot scolaire : soumettre un nouveau à des brimades, à titre d’initiation, avant de l’admettre au sein d’une société scolaire ou universitaire déterminée (Grand Larousse universel, 1982). Cérémonie, amusante, initiation, rien n’est dit de la cruauté des uns et de la souffrance des autres.

Quand on cherche la traduction en français du mot «bully», on a brute, petit dur, tyran, tyranneau, brimeur, coupeur d’oreilles. On trouve aussi «to play the bully» faire le fendant. «Bully», c’est aussi le souteneur. On constate que plusieurs de ces mots sont très peu utilisés ou très vieillis. On constate aussi que les expressions souffre-douleur et tête de turc ne sont pas proposées. Par ailleurs, le mot "brimeur" est fréquemment proposé pour traduire «bully».  Ce mot a toutes les qualités d’un mot français. Il existe un verbe brimer, il y a des gens qui subissent des brimades. Il y a donc des gens qui briment, qui font subir des brimades. Il devrait donc en toute logique y avoir des "brimeurs". Or, dans aucun des dictionnaires que j’ai consultés, je n’ai trouvé ce mot. Si le mot "brimeur" existait, on aurait un éventail de mots permettant de parler de tous les aspects de ce phénomène. On aurait des élèves qui briment d’autres élèves. Les premiers seraient les "brimeurs", les seconds les brimés. Les brimés subiraient des brimades du fait des "brimeurs". 

Le fait que ce mot ne soit pas mentionné dans de nombreux dictionnaires témoigne de ce que ce phénomène de brimades à l’école n’a pas reçu l’attention qu’il mériterait. À l’école, on parle souvent de souffre-douleur pour parler du brimé, mais il n'y a pas de mot pour parler de celui qui agresse. On ne dit pas un souffre-dolorigène ou un souffre-dolorigénérateur. 

De même, l’expression "tête de turc" ne permet pas de nommer celui qui persécute ni l’acte de persécuter. Il faudrait par ailleurs s’interroger sur l’origine de cette expression. «L’expression tête de turc retenue par l’usage à propos d’un être en butte aux railleries de quelqu’un vient de la foire : on y appelait ainsi (1866) une sorte de dynamomètre sur laquelle (sic) on frappait une tête coiffée d’un turban» (Dictionnaire historique de la langue française, Alain Rey).

Je pourrais finir en faisant appel à l’orgueil national et au patriotisme : je dirais que les Américains ont des mots pour qualifier ces phénomènes. Pourquoi nous, patrie des droits de l’homme, ne serions-nous pas capables de faire aussi bien et mieux ? En fait, quand on y réfléchit, eux non plus ne sont pas irréprochables. Le mot «bully» n’est pas parfaitement adapté à ce phénomène. En effet, il ne signifie pas seulement brute et tyran, on parle aussi de «bully» pour la mise en jeu au hockey. Et surtout, ce mot n’est pas régulièrement négatif. Il veut dire aussi fameux, épatant. Et l’expression «bully for you» signifie vous avez de la chance ou t’es un chef ou bravo. On a même, selon le dictionnaire Webster, d’autres significations : chéri (darling sweetheart), bon camarade, homme aux pouvoirs physiques remarquables…

Comment parler sérieusement de pratiques qui empoisonnent la vie de nombreux écoliers si le terme qui qualifie leurs persécuteurs signifie bon camarade ?


Jean-Pierre LELLOUCHE

Nota : Pour approfondir le sujet,  voir aussi sur le site de l'AFPSSU, le rapport  DEBARBIEUX  commandité par le Ministère de l'Education Nationale. Il a également été mis en ligne un site "Agir contre le harcèlement à l'école" 




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