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7 décembre 2014

LES ENFANTS N'AIMENT PAS LES PESTICIDES


Notre société moderne, en quête permanente de productivité, a fait une large part aux pesticides, tant en agriculture que dans nos maisons. Les pesticides sont des produits chimiques destinés à lutter contre les parasites animaux et végétaux. Ils regroupent les produits phytopharmaceutiques à usage agricole (insecticides, herbicides, fongicides...), des biocides (utilisés notamment dans les habitations), les antiparasitaires vétérinaires (produits antipuces) et humains (anti-poux, anti-scabieux). 





Les pesticides nous entourent



Plus de 1.000 substances actives ont déjà été mises sur le marché sous des formes différentes (liquides, poudres, granulés). L'usage de ces produits en agriculture s'est considérablement accru depuis la seconde guerre mondiale. La France est devenue le 4ème utilisateur mondial de pesticides dont 90% sont utilisés par le milieu agricole (80.000 tonnes/an). Certains pesticides surtout les organochlorés [ le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane) et son dérivé le DDE (dichlorodiphényldichloroéthylène), le HCB (hexachlorobenzène), le lindane ou le chlordécone ], mais aussi l’atrazine, bien qu'interdits pour certains depuis des décennies, sont toujours présents dans l'environnement du fait de leur très longue durée de vie.

Cette utilisation majeure a abouti à une contamination des écosystèmes, l’eau  (un-tiers des cours d’eau contiennent plus de 0,5 µg/l de pesticides), l’air (épandages agricoles qui disséminent dans l’air environnant) et les aliments (traitements préventifs multiples des céréales, fruits, légumes et vignes) avec en bout de chaîne l'homme. Le secteur agricole représente bien sûr la population la plus exposée aux pesticides mais la population générale est également concernée. La voie orale représente le mode d’exposition spécifique (alimentation, boissons, portage à la bouche du jeune enfant) en population générale. 



L’Etude de la cohorte "PELAGIE" de femmes enceintes en Bretagne montre que l’on retrouve des métabolites des pesticides organophosphorés dans 84% des prélèvements d’urines et que 54% des échantillons urinaires contiennent au moins 8 molécules [1]. Des métabolites de l'atrazine (interdite depuis 2003) sont malgré tout retrouvés dans 5% des urines collectées. Cette présence est elle-même corrélée avec la proximité d’une culture de maïs, de consommation de l’eau du robinet et des apports de poissons . En Guadeloupe, le chlordécone (utilisé pour combattre un parasite du bananier et interdit en 1993) est encore retrouvé dans 90 % des échantillons urinaires des hommes adultes.


Risques malformatifs et endocriniens chez le foetus


L’exposition même à faible intensité lors de périodes sensibles du développement (chez le fœtus et durant l’enfance) présente des risques particuliers. Chez le fœtus, les toxiques peuvent causer des mutations cellulaires ou des altérations des fonctions hormonales et immunitaires favorisant l'apparition d'anomalies congénitales et certains cancers. Chez l’enfant, le risque de toxicité est plus important que chez l’adulte du fait, d’une part, de la sensibilité accrue aux neurotoxiques d'un cerveau en développement et, d’autre part, d’une plus faible activité des enzymes qui détoxifient les formes activées de certains de ces pesticides.

Les organochlorés, en particulier le HCB, pourraient avoir un effet délétère à un stade très précoce de la grossesse. Un taux sérique  élevé de HCB est en relation avec un taux d’échec de FIV (fécondation in vitro) deux fois plus important. Les femmes enceintes chez lesquelles on retrouve dans les urines de l’atrazine ou l’un de ses métabolites ont 50% de risque supplémentaire d’avoir un enfant de petit poids de naissance et 70% de risque supplémentaire d’avoir un enfant avec un petit périmètre crânien. Des effets toxiques directs durant la grossesse sont à l'origine d'avortements  et de diverses malformations congénitales  : fentes labiales, malformations cardio-vasculaires ou des membres… La présence de pesticides organophosphorés dans les urines des femmes enceintes d’une population d’agriculteurs mexicains vivant en Californie a été associée à une baisse des capacités intellectuelles des enfants issus de ces grossesses et testés à l’âge de 7 ans [2]

Certains pesticides se comportent comme des perturbateurs endocriniens et des xéno-œstrogènes durant la grossesse. L'exposition des femmes enceintes comporterait un risque de malformations génitales chez le garçon, en altérant les processus de différentiation sexuelle d’un fœtus masculin , source d’hypospadias, de micropénis et/ou de cryptorchidie, voire de stérilité à l’âge adulte. Chez le fœtus féminin, la programmation ultérieure d’une puberté précoce et de puberté précoce chez les petites filles [3]

De plus certaines molécules (organochlorés) pourraient aussi programmer chez le fœtus la survenue à l'âge adulte de maladies chroniques devenues épidémiques (obésité, diabète, cancers hormonaux-dépendants). Leur stockage dans le tissu adipeux autorise de plus une libération à bas bruit à distance d’une exposition de ces polluants persistants.


Risques de cancers 


Dans le cas d'expositions au cours de la période périnatale, une augmentation du risque de certains cancers pédiatriques est également reconnue, la programmation par des mécanismes d’épigénétique intervenant durant la vie fœtale étant sûrement prédominante.


- Les expositions maternelles au cours de la grossesse sont associées à un doublement de risque de leucémie de l’enfant. Cette augmentation s’approche du triplement chez les mères exposées aux insecticides et d’un quadruplement lorsqu’elles sont exposées aux herbicides [4]

 - Une vingtaine d’études a également été menée depuis les années 70 sur le risque de tumeur cérébrale de l’enfant lors d’exposition professionnelle parentale aux pesticides. Les expositions professionnelles des parents dans la période prénatale sont associées à une augmentation du risque de tumeur neuro-épithéliales de l’enfant (astrocytomes, gliomes, épendymomes, médulloblastomes...). Une méta-analyse récente conclue, sur la base des études publiées à ce jour, à une élévation de risque de 30% dans les études cas-témoins et de 53% dans les études de cohorte [5].
D’autres types de tumeurs ont été explorés concernant le rôle possible des pesticides, tels que les tumeurs de Wilms, le sarcome d’Ewing, la maladie de Hodgkin, certains cancers digestifs. Mais le nombre d’études réalisé reste insuffisant pour obtenir des conclusions [6]Il est cependant intéressant de noter que la plupart des cancers qui ont été associés aux pesticides chez l’enfant l’ont également été de manière répétée chez l’adulte ce qui augmente la plausibilité des résultats obtenus.



Les réactions des décideurs 


Jusque dans les années 2000, le pouvoir politique ne s’intéressait guère à ce problème des pesticides. Un plan « Ecophyto 2018 » visant à réduire de 50 % l’usage des produits phytopharmaceutiques en 10 ans en France, a été lancé en 2008, à la suite du Grenelle de l’environnement. Les alertes successives des associations environnementales, la mobilisation d’une association de médecins et la publication en 2013 du rapport de l’Inserm sur les pesticides [7] ont fait bouger un peu plus les lignes. 

Une loi (23.01.2014) sur l’encadrement de l’utilisation des pesticides par les collectivités locales et les particuliers  illustre l’image du politique qui se hâte lentement. L’interdiction des pesticides de synthèse dans les espaces verts publics n’est programmée qu’en 2020 et chez les particuliers en 2022. Le projet de loi sur l'avenir agricole (LAAF), discuté à l'Assemblée Nationale en juillet 2014, a préféré le développement des « bonnes pratiques agricoles » terme très flou par rapport à des mesures réglementaires de protection des captages d'eau qui auraient été plus restrictives mais plus claires. Concernant les épandages de pesticides, des zones de non traitement seront instaurées autour des lieux publics sensibles (écoles, crèches, hôpitaux...) et des mesures pour encadrer ces pulvérisations sur des parcelles situées à proximité des habitations devraient pouvoir être instaurées. 

Mise à jour (21.03.2015) : Cinq pesticides ont été classés aujourd'hui cancérogènes "probables" ou "possibles" pour l'homme par l'agence du cancer de l'Organisation mondiale de la santé (IARC). L'herbicide glyphosate, l'un des plus utilisés dans le monde sous le nom de Round-up, et les insecticides malathion et diazinon ont été classés cancérogènes "probables chez l'homme", même si les "preuves sont limitées". Les insecticides tetrachlorvinphos et parathion, qui font déjà l'objet d'interdictions ou de restrictions dans de nombreux pays, ont pour leur part été classés cancérogènes "possibles". Pour le Pr Andreas Kortenkamp, toxicologue anglais, "les autorités des membres de l'Union européennes doivent désormais se demander si les mesures existantes sont suffisantes pour protéger les consommateurs et les utilisateurs de pesticides des risques de cancer".


Tous les parents ou futurs parents doivent être avertis des dangers des pesticides pour le fœtus et l’enfant. Ce risque est possible dans un climat d’exposition professionnelle (viticulture, horticulture, travail en serre, jardinerie…), mais aussi au domicile familial (manipulation d’insecticides au jardin, diffusion de sprays insecticides, colliers insecticides d’animaux domestiques, traitement anti-poux chimiques, scabicides ...). Une alimentation issue d’une agriculture moins consommatrice de pesticides (fruits, légumes) est bien sûr recommandée lorsqu’elle est possible, en lavant et en épluchant tout aliment qui peut l’être ou en sélectionnant les produits "bios", les poissons gras sont à éviter. En cas de doute sur la qualité de l’eau du robinet, l’eau de source est préférable. Ces principes de prudence s’imposent en priorité pour les femmes enceintes ou susceptibles de l'être, les femmes qui allaitent, mais aussi bien sûr pour leurs enfants et en particulier les plus jeunes.



Dominique LE HOUEZEC


1. CHEVRIER C., SERRANO T., LECERF R., LIMON G., PETIT C., MONFORT C., HUBERT-MOY L., DURAND G., CORDIER S. Environmental determinants of the urinary concentrations of herbicides during pregnancy: the PELAGIE mother-child cohort (France). Environ Int. 2014; 63:11-8.
2. BOUCHARD M.F., CHEVRIER J., HARLEY K.G., KOGUT K., VEDAR M., CALDERON N., TRUJILLO C., JOHNSON C., BRADMAN A., BARR D.B., ESKENAZI B. Prenatal Exposure to Organophosphate Pesticides and IQ in 7-Year Old Children. Environ Health Perspect. 2011 119(8):1189-95 
3. SULTAN C., GASPARI L., KALFA N., PHILIBERT P., PARIS F.  Perturbateurs endocriniens environnementaux et maladies endocriniennes de l’enfant. Med. & Enf. Oct. 2013 : 272-275.
4. TURNER MC, WIGLE DT, KREWSKI D. Residential pesticides and childhood leukemia: a systematic review and meta-analysis. Environ Health Perspect. 2010;118(1):33-41
5. VAN MAELE-FABRY G, HOET P, LISON D. Parental occupational exposure to pesticides as risk factor for brain tumors in children and young adults: a systematic review and meta-analysis. Environ Int. 2013;56:19-31. 
6. ZAHM SH, DEVESA SS. Childhood cancer: overview of incidence trends and environmental carcinogens. Environ Health Perspect. 1995;103 Suppl 6:177-84
7. INSERM. Pesticides - Effets sur la santé. Editions Inserm 2013 . Pesticides - Effets sur la santé. Editions Inserm 2013 

1 commentaire:

  1. Cette affiche est affreuse et mensongère.
    Comme par hasard, comme vous le soulignez justement, elle induit des achats et on sait combien le parent achète volontiers si cela lui permet de se sentir un "bon" parent.
    Eviter une exposition au soleil aux heures les plus chaudes est sans doute la meilleure protection et la plus simple.
    Contrairement à une idée tenace, les lunettes de soleil sont à éviter autant que possible, pour permettre à l’œil et au cerveau de faire leur travail, c'est-à-dire capter et analyser les rayons lumineux (quantité, UV...).
    Je ne suis pas spécialiste mais lire "Le soleil, un aliment indispensable" de France Guillain ou "La méthode France Guillain" du même auteur, dont une partie est consacrée aux bienfaits de la lumière solaire serait plus sûrement efficace que toutes les campagnes de prévention.
    De mes 5 enfants, le seul à n'avoir pas pris un seul coup de soleil, c'est celui qui n'a JAMAIS utilisé de crème solaire ni porté de lunettes de soleil... Merci !

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